Quitter la vallée

par Jean-Michel Bertrand

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Je viens de passer trois années à essayer d’approcher l’intimité d’une meute de loups sauvages dans une vallée perdue des Alpes. Cette aventure m’a emmené bien au-delà de ce que j’imaginais…
Une immersion dans la nature et une façon très rituelle de fonctionner sur le territoire des loups, m’ont permis après de longs mois de questionnements et de doutes, de me faire tolérer par la meute.
J’ai enfin pu croiser le regard du prédateur mythique et même voir grandir les louveteaux.
Mais au terme de ce magnifique voyage s’est posée la question des limites de cette intimité…
Le loup n’a pas que des amis, je suis un humain et l’animal pourchassé ne doit pas baisser la garde.
J’ai donc décidé, au terme de ces trois années extraordinaires, de quitter le territoire et de les laisser…
Aujourd’hui, même si je pense avoir pris une décision de bon sens, j’ai beaucoup de mal à me résoudre à abandonner cette quête de compréhension et d’émerveillement car de nombreuses questions se posent à moi.
Les loups m’ont fait grandir, et je réalise aujourd’hui que l’aventure incroyable que j’ai pu vivre à leurs côtés n’est pas du tout un aboutissement ou une fin, mais au contraire, un début… Le début d’un chemin, d’un questionnement, une quête naturaliste et philosophique qui me conduira encore plus près des mystères du monde sauvage.
Alors oui je dois quitter la vallée mais je sais maintenant qu’un nouveau voyage s’offre à moi. Un voyage qui m’offrira de nombreuses réponses aux questions que je me pose.
Cette occasion va m’être donnée par les loups eux-mêmes.
Les mécanismes complexes qui régissent la vie sociale des loups et l’organisation de la meute excitent ma curiosité et vont me conduire à repartir à leurs côtés sans savoir ni où, ni combien de temps. Une nouvelle immersion, une nouvelle obsession et un nouveau souffle de liberté…

© Bertrand Bodin

Au cours des années passées dans la vallée sauvage au contact de la meute, j’ai pu observer de mes yeux le fonctionnement des grands équilibres primordiaux auxquels sont soumis les animaux sauvages et notamment les grands prédateurs. Il y a urgence à préserver ce monde sauvage dans nos sociétés de plus en plus urbanisées. C’est l’une de mes obsessions.
J’ai constaté que le nombre de loups présents sur le territoire restait sensiblement le même d’année en année. Une régulation indispensable à la bonne conservation des ressources en nourriture, c’est-à-dire des proies dont dépendent les loups. C’est en fait la quantité de proies disponibles qui régule le nombre de prédateurs présents sur un territoire.
Le loup a donc un caractère territorial, ce qui signifie que la meute constituée défend son territoire contre les intrus et ne supporte pas un trop grand nombre d’individus sur ce fameux territoire. Les jeunes vont devoir partir à la conquête de nouveaux espaces disponibles. On appelle ces jeunes loups erratiques les loups dispersés… Ce sont eux qui vont me donner l’occasion de quitter la vallée sauvage et dans leur sillage, de vivre une nouvelle aventure. Un nouveau défi, une enquête complexe et passionnante entre nature sauvage et civilisation dévastatrice.

Jean-Michel Bertrand


Marche avec les loups, au cinéma le 15 janvier 2020