Genre et condition féminine

par Caroline Vié et Carine Baudet

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Dans la société du XIXe siècle, les femmes doivent rester dans le rang, obéir à leur époux et s’en tenir à l’ordre patriarcal comme aux besognes qui leur sont attribuées. Martha Jane balaye les conventions avec l’innocence de l’enfance. Cela ne va pas sans heurts dans une société formatée où le moindre manquement aux règles est considéré comme une insulte à l’ordre établi.

Une fille envers et contre tous

« On a mis au point une grille stricte pour l’habillement des personnages pour que ce soit une véritable révolution quand Martha met un pantalon », dit Rémi Chayé. Martha découvre la liberté de sa personne en même temps que celle de ses mouvements quand elle enfile ce vêtement en abandonnant la robe, uniforme des femmes. Pour autant, elle ne souhaite pas devenir un garçon ! Elle reste fière d’être une fille et demeure identifiable comme telle par l’oeil aguerri de Madame Moustache. « Ce n’est pas parce que je mets une robe rose que je deviens une femme, s’amuse Rémi Chayé. Mais le costume donne le change car, bien souvent, les gens ne voient pas plus loin que les apparences. » Jonas ne se pose aucune question sur le genre de Martha. Il est sidéré lorsqu’il comprend qu’elle est une fille !

Dans la peau du père

Martha prend le pantalon de son père, ce qui la différencie des hommes et des garçons du convoi vêtus de noir et de blanc. Les couleurs qu’elle adopte sont celles de sa famille dont elle s’éloigne aussi en transgressant le code vestimentaire de l’époque. Alors que son père souhaite se fondre dans la communauté, Martha poursuit son émancipation en se coupant les cheveux, nouvelle étape de sa métamorphose. « Martha voit le côté pratique de sa tenue, expliquent Sandra Tosello et Fabrice de Costil. Elle n’est pas dans la revendication. » Pourtant son entourage prend son attitude comme une menace, quitte à se montrer injuste avec elle en refusant de reconnaître qu’elle peut se rendre utile.

Déguisée en fille

La vraie Calamity aimait à changer d’apparence au gré de ses envies et de sa fantaisie. « J’ai longtemps cru qu’elle ne portait que des vêtements masculins, mais Martha Jane aimait beaucoup changer de tenues. Elle n’était pas du style à se laisser catégoriser. Comme elle
réinventait constamment sa vie, elle aimait aussi changer d’apparence », explique Rémi Chayé. La Martha du film adapte son habillement aux circonstances. C’est quand elle s’habille en fille, avec petit chapeau et chaussures fines, pour donner le change au colonel, qu’elle se sent déguisée. Mais sa vraie nature un tantinet rebelle a tôt-fait de reprendre le dessus quand elle crie un joyeux « tête de bouse » au nez et à la barbe du militaire.

Le voyage immobile

Les femmes de l’époque devaient rester enfermées à la maison. Ce modèle est reproduit dans le convoi. « Les femmes et les filles étaient
contraintes à une immobilité géographique en devant rester près des chariots même quand ils étaient en mouvement », déclare Rémi Chayé. Martha Jane brave ces interdits. Elle deviendra même le guide de la communauté en s’imposant comme éclaireuse à la fin du film. Elle montre la voie vers l’Oregon mais aussi vers une autre façon de considérer la condition féminine. « Du point de vue dramaturgique, nous avons volontairement exagéré l’immobilisme des femmes souvent assises en cercle près des chariots pour rendre encore plus forte la transgression de Martha au moment où elle prend la route », dit le réalisateur.


Articles extraits du livre
ART OF CALAMITY
de Caroline Vié et Carine Baudet
Les Editions GRANOVSKY
ISBN 978-2-490947-02-7