Repères historiques | Migrations italiennes

Ce dossier a été réalisé par Le Cpa, équipement culturel de Valence Romans Agglo.

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La frontière dite « naturelle » entre la France et l’Italie que constituent les Alpes a toujours été franchie pour passer d’un pays à l’autre. Des siècles durant, le col alpin est un lieu de rencontres et d’échanges, un espace de circulation reliant deux territoires complémentaires.
La mobilité est essentielle dans cet espace et repose sur une culture villageoise du départ toujours possible et du retour jamais assuré. Aussi peut-on observer le mouvement de travailleurs saisonniers, de manœuvres agricoles, d’ouvriers forestiers ou d’artisans, auquel s’ajoutent les déplacements d’aristocrates, d’artistes, de fonctionnaires militaires et civils, de prélats.

Frontière Clarière-Montgenèvre (années 1950)
Fonds des Archives départementales des Hautes-Alpes

Après 1870, alors que l’Italie est devenue un royaume unifié, la Grande dépression ébranle l’Europe et frappe durement les paysans. L’émigration italienne se densifie au cours du XXe siècle, alimentée par chaque nouvelle crise : chômage, fascisme, contrecoup des deux guerres mondiales. À cette époque, plusieurs régions du jeune État sont encore assez pauvres, poussant beaucoup de femmes et d’hommes sur les routes de l’exil. Une grande partie d’entre eux rêvaient de l’Amérique – à l’image de Luigi et sa famille – où il existe aujourd’hui une importante communauté italienne. Mais nombreux sont ceux qui choisiront d’autres destinations lointaines comme le Brésil et l’Argentine grâce à l’essor des moyens de transport. Plus près, en Europe, la France, la Suisse et la Belgique sont les destinations privilégiées des populations du nord de l’Italie. Le besoin de main d’œuvre est alimenté par le refus des nationaux d’occuper certains métiers, mais également par les répercussions de la Première Guerre mondiale, qui laisse en France un pays exsangue qui manque de bras pour le reconstruire.

Famille de charbonniers venue du Veneto dans l’entre-deux-guerres, chantier des Coulmes de Presles-Vercors-Isère, 1948
Archive Famille Benacchio

Le travail des migrants italiens est lié aux activités agro-pastorales, forestières, et de plus en plus, au secteur industriel qui se développe dans la seconde moitié du XIXe siècle. Les jeunes transalpins sont ce que l’on appelle des « migrants économiques », en quête de meilleures opportunités professionnelles. Les hommes sont comme Luigi souvent les premiers de leur famille à partir pour exercer des métiers difficiles et mal payés.
Ils deviennent vite indispensables dans les grands chantiers d’aménagement (routes, barrages, chemins de fer, etc.). Bâtiments et travaux publics deviennent ainsi des secteurs emblématiques de l’immigration italienne en France, mobilisant tous les corps de métier.
Les femmes pouvaient quant à elles travailler dans la couture ou dans l’entretien, le ménage. Malgré son interdiction par la loi en 1882, le travail des enfants existait aussi. On surnommait les « enfants hirondelles » ces jeunes montreurs de marmottes, qu’incarne dans le film la petite sœur de Luigi, Costanza Ughetto.

Construction de la caserne et de l’hôpital militaire de Modane
Ouvriers italiens.
Coll. Muséobar – Musée de la frontière (Modane)

La pancarte « Interdit aux chiens et aux Italiens »


Cette scène, au cours de laquelle la famille Ughetto souhaite entrer dans un café arborant cet écriteau, illustre le tragique de l’exil.
Arrivés en France pour travailler et/ou fuir le fascisme, les Italiens, au même titre que d’autres étrangers, subissent le racisme et la xénophobie.
Dans cette scène, la pancarte rabaisse les Italiens au niveau d’un animal.
Cette scène montre les discriminations subies par les immigrés dans un espace de sociabilité normalement ouvert à tous.
Lorsque les enfants demandent pourquoi les propriétaires ont écrit cela, Luigi trouve un subterfuge pour atténuer cette violence auprès des plus jeunes, et ainsi les préserver avec humour.
Cette mention trouve bien évidemment un écho avec la question actuelle des migrants et de leur (non) accueil en Europe.